POLISARIO
L'opposition étudiante marocaine et le soutien de Kadhafi à la cause sahraouie
La période post-indépendance en Afrique a été marquée par deprofondes divergences idéologiques. Alors que le Maroc, sous la direction d'Hassan II, consolidait son statut de monarchie constitutionnelle ancrée dans une approche pro-occidentale, une vague de régimes républicains, souvent d'inspiration socialiste ou panarabiste, émergeait sur le continent. Cette fracture idéologique s'est traduite par de nombreuses rivalités, notamment autour de la question du Sahara occidental.
Le conflit du Sahara, qui a pris une nouvelle dimension après la Marche Verte en 1975, a rapidement dépassé le simple contentieux territorial. Il est devenu un théâtre d'affrontement entre le Maroc et ses voisins socialistes, en particulier l'Algérie et la Libye. Dans ce contexte, les mouvements d'opposition interne au Maroc, y compris les étudiants gauchistes, se sont retrouvés dans une position où leurs idéologies anti-monarchiques et anti-impérialistes semblaient converger avec les ambitions géopolitiques de figures comme Mouammar Kadhafi, l'un des principaux soutiens du Front Polisario.
L'émergence des mouvements gauchistes étudiants au Maroc
Le Maroc des années 1970 est une période de forte effervescence politique, où les mouvements étudiants ont joué un rôle d'opposition notable. L'Union nationale des étudiants du Maroc (UNEM) a été le théâtre d'affrontements idéologiques. Des groupes d'inspiration marxiste-léniniste ont contesté le pouvoir des factions socialistes et ont mené des grèves. Ces mouvements, comme le groupe clandestin « 23 Mars »
Les revendications de ces groupes étudiants allaient au-delà des questions universitaires et rejoignaient un désir de changement radical au sein de la société marocaine, perçue comme un régime monarchique et patrimonial.
Le soutien de Kadhafi à la cause sahraouie
Parallèlement, la question du Sahara occidental a été propulsée au cœur de la politique étrangère marocaine après le départ des troupes espagnoles et la Marche Verte de 1975. Le Front Polisario, un mouvement de libération qui avait proclamé la République arabe sahraouie démocratique (RASD) en 1976, a bénéficié d'un soutien substantiel de la part de l'Algérie et de la Libye de Mouammar Kadhafi.
Le régime de Kadhafi, qui avait pris le pouvoir en 1969, s'était fixé pour objectif de financer les mouvements "révolutionnaires" dans le monde entier, dans le cadre d'une politique "anti-impérialiste".
La convergence idéologique : Mythe ou réalité?
La demande des étudiants gauchistes de Marrakech pour la création d'un "État libre" au Sahara occidental, bien que non explicitement documentée dans les archives, s'inscrit dans ce contexte précis. Il n'existe pas de documents qui attestent d'un contact direct entre ce groupe d'étudiants de Marrakech et Kadhafi. Cependant, la convergence idéologique entre l'opposition de gauche marocaine et le régime de Kadhafi est indéniable.
Les mouvements d'opposition marocains, en lutte contre la monarchie et le "makhzen", ont trouvé dans la cause sahraouie un terrain propice pour exprimer leur opposition. Le soutien de Kadhafi, dont l'idéologie socialiste et anti-monarchique s'opposait directement à celle du roi du Maroc
Cette période a mis en lumière la complexité des relations post-coloniales, où les luttes internes pour le pouvoir et la légitimité se sont entremêlées avec les grandes rivalités idéologiques et géopolitiques de la Guerre froide. La question du Sahara, loin d'être un simple problème de frontières, est devenue le reflet des divisions profondes qui ont marqué la construction des États-nations en Afrique.
L'Algérie, la Libye et l'opposition marocaine : une convergence d'intérêts
Une alliance de circonstance au cœur de la Guerre froide
L'histoire post-coloniale de l'Afrique est marquée par une profonde divergence idéologique entre les nations nouvellement indépendantes. Alors que le Maroc, sous la direction d'Hassan II, a consolidé son statut de monarchie constitutionnelle et de partenaire pro-occidental, ses voisins, comme l'Algérie et la Libye, ont adopté des régimes républicains fondés sur le socialisme et le panarabisme. Cette fracture a rapidement conduit à une rivalité géopolitique intense, dont le conflit autour du Sahara occidental est devenu l'arène principale. Dans ce contexte, l'opposition interne marocaine, et en particulier les mouvements étudiants de gauche, a trouvé une convergence d'intérêts avec les régimes algérien et libyen, sans pour autant que ces derniers n'aient "adopté" le mouvement étudiant. Il s'agissait plutôt d'une alliance objective et de facto contre un adversaire commun : la monarchie marocaine.
Le front uni des républiques socialistes
Après leur indépendance, l'Algérie et la Libye se sont positionnées comme des bastions de l'anticolonialisme et de l'anti-impérialisme, des idéologies qui s'opposaient frontalement à la monarchie marocaine, perçue comme un régime traditionnel et un allié des puissances occidentales. Le régime libyen de Mouammar Kadhafi a fait de la lutte "anti-impérialiste" un pilier de sa politique étrangère, finançant de nombreux mouvements "révolutionnaires" à travers le monde.
Dans cette dynamique, un "front" s'est constitué autour du soutien au Front Polisario, le mouvement de libération du Sahara occidental. Les services libyens et algériens ont ainsi mis en place une alliance "insidieuse" et "objective". Tandis que l'Algérie fournissait l'espace pour le déploiement des troupes du Front Polisario, la Libye apportait les "moyens, financier et militaire" pour leurs actions contre le Maroc.
La convergence avec l'opposition interne marocaine
Au Maroc, la monarchie a été confrontée à de fortes contestations internes, notamment de la part de l'Union nationale des étudiants du Maroc (UNEM) et de mouvements d'inspiration marxiste-léniniste comme « Ila Al Amame » et « 23 Mars ».
Les revendications de ces mouvements anti-monarchiques ont naturellement trouvé un écho dans les politiques étrangères de l'Algérie et de la Libye. Le soutien de Kadhafi à la cause sahraouie et l'hostilité de l'Algérie envers le Maroc ont offert une légitimité externe à l'opposition marocaine. L'objectif commun de ces différents acteurs n'était pas l'unification de leurs mouvements, mais de fragiliser le régime marocain.
La rivalité idéologique et géopolitique entre les deux pays a des racines plus anciennes, comme l'illustre la "Guerre des Sables" de 1963.
Un reflet des divisions post-coloniales
La relation entre l'opposition étudiante marocaine, l'Algérie et la Libye n'a pas été une simple adoption d'un mouvement. Elle est l'exemple d'une dynamique plus complexe, où des acteurs aux intérêts différents se sont retrouvés dans une opposition commune face à la monarchie marocaine. Les mouvements d'opposition interne ont utilisé la cause sahraouie pour exprimer leurs propres revendications politiques contre le régime, tandis que l'Algérie et la Libye s'en servaient pour contrer l'influence marocaine dans la région.
Cette convergence d'intérêts a marqué la complexité de l'ère post-coloniale, où les luttes internes pour le pouvoir et la légitimité se sont inextricablement mêlées aux grandes rivalités idéologiques et géopolitiques de la Guerre froide. La question du Sahara, loin d'être un simple problème de frontières, est ainsi devenue le reflet des divisions profondes qui ont marqué la construction des États-nations en Afrique.
Le drapeau de la République arabe sahraouie démocratique (RASD), proclamée par le Front Polisario, est en effet très similaire à celui de la Palestine. Cette ressemblance n'est pas une coïncidence mais une adoption stratégique.
Symbolisme et Conception
Les deux drapeaux utilisent les couleurs panarabes : noir, blanc, vert et rouge. Ces couleurs tirent leur origine du drapeau de la Grande Révolte arabe de 1916, menée contre l'Empire ottoman.
Drapeau de la Palestine : Il se compose de trois bandes horizontales (noir, blanc, vert) et d'un triangle rouge à gauche. Le noir symbolise les Abbassides, le blanc les Omeyyades, le vert les Fatimides et le rouge les Hachémites.
Drapeau de la RASD : Il reprend la même structure et les mêmes couleurs. La principale différence est l'ajout d'une étoile et d'un croissant rouges au centre de la bande blanche. Ces symboles sont une référence directe à l'islam et se retrouvent sur de nombreux drapeaux de pays musulmans, y compris celui de l'Algérie.
Contexte politique et idéologique
La similarité des deux drapeaux s'inscrit dans une démarche délibérée. Les sources indiquent que l'adoption du drapeau de la RASD, en 1976, visait à assimiler le mouvement indépendantiste sahraoui à la cause palestinienne, qui jouissait alors d'une forte reconnaissance et sympathie dans le monde arabe et au-delà.
Cette stratégie de communication politique a été conçue pour établir un parallèle moral et historique entre les deux luttes, les présentant toutes deux comme des mouvements de libération nationale contre une occupation. En copiant les couleurs et le design du drapeau palestinien, le Front Polisario cherchait à gagner une légitimité internationale et le soutien des pays socialistes et panarabes de l'époque.






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