LE MAROC FIDELE A SON IDENTITE
Le Maroc a maintenu et renforcé son identité en tant que monarchie constitutionnelle après son indépendance, un modèle qui s'est distingué des autres trajectoires de décolonisation sur le continent. La monarchie marocaine a joué un rôle central, non seulement dans la lutte pour la souveraineté, mais aussi dans la consolidation du nouvel État.
Ce processus a été mené sous l'égide de la dynastie alaouite. Le sultan Mohammed V (qui devint roi après l'indépendance) a été à la tête du mouvement nationaliste pour l'autonomie, notamment en signant le Manifeste de l'indépendance en 1944. Son exil en 1953 a galvanisé le sentiment nationaliste et sa réinstallation sur le trône en 1955 a été une étape clé vers la fin du protectorat français en 1956.
La monarchie, sous le règne de Mohammed V puis de son fils Hassan II, a réussi à restaurer la puissance de son trône et à consolider l'intégrité territoriale du pays.
Le roi-calife et Commandeur des Croyants (Amir Al Mouminine) : Il est le chef spirituel de l'État musulman et le garant du respect de l'islam et de la Constitution.
Le sultan-président du "makhzen" : Il incarne l'organisation politico-sociale traditionnelle qui existe au Maroc depuis des siècles.
Le roi-président d'un État moderne et constitutionnel : Il est le garant de la pérennité de l'État et de l'intégrité territoriale.
La première constitution, adoptée en 1962, a établi le Maroc comme une « monarchie constitutionnelle, démocratique et sociale ».
Ainsi, le Maroc a forgé une identité post-coloniale où la monarchie a su allier sa légitimité historique et religieuse avec une modernisation institutionnelle progressive, inscrivant le pays dans un cadre constitutionnel et démocratique, tout en conservant un rôle prépondérant pour le monarque.
Un modèle unique au milieu d'un continent en mutation
La décolonisation de l'Afrique a été un processus marqué par une diversité de trajectoires politiques. Alors que la plupart des nations du continent optaient pour des régimes républicains, souvent inspirés par des idéologies socialistes, le Maroc a suivi une voie distincte en consolidant sa monarchie constitutionnelle. Cette divergence fondamentale a créé une source de tension et de rivalité durable avec plusieurs de ses voisins, en particulier ceux du Maghreb qui ont adopté un panarabisme révolutionnaire et un socialisme d'État. Ce rapport explore comment le choix politique du Maroc a fait de lui une exception et a façonné ses relations avec les États arabes et africains nouvellement indépendants, les plaçant dans une position d'adversité idéologique.
L'exception monarchique du Maroc
Le chemin du Maroc vers l'indépendance s'est distingué par le rôle central de sa monarchie. Loin de voir le trône renversé, la dynastie alaouite, sous le leadership du sultan Mohammed V, s'est imposée comme le fer de lance du mouvement nationaliste.
Une fois l'indépendance acquise, la monarchie a consolidé son pouvoir en se positionnant comme le garant de l'unité et de la tradition. La première Constitution du pays, adoptée en 1962, a établi le Maroc comme une "monarchie constitutionnelle, démocratique et sociale".
La montée des républiques socialistes et panarabistes
Parallèlement au modèle marocain, de nombreux pays africains et arabes nouvellement indépendants ont tourné le dos aux systèmes traditionnels et aux élites cooptées par les puissances coloniales. Ils ont choisi de s'aligner sur des idéologies de rupture, notamment le socialisme et le panarabisme.
Le socialisme africain, théorisé par des leaders comme Julius Nyerere en Tanzanie et Léopold Sédar Senghor au Sénégal, a cherché une "troisième voie" entre le capitalisme et le marxisme soviétique. Il prônait le développement à partir des valeurs communautaires africaines, rejetant l'idée de lutte des classes.
En Égypte, le colonel Gamal Abdel Nasser a incarné le panarabisme révolutionnaire, une idéologie qui visait à unifier les États arabes pour s'opposer à l'impérialisme et au néocolonialisme.
Ces idéologies, en s'opposant au monarchisme et au néocolonialisme, se sont retrouvées en opposition frontale avec le Maroc. Les dirigeants comme Nasser et d'autres ont souvent vu les monarchies comme des vestiges de l'ère impérialiste ou comme des entités trop proches des anciennes puissances coloniales occidentales.
Les manifestations de la rivalité idéologique et géopolitique
L'opposition idéologique entre le Maroc et ses voisins socialistes et panarabes s'est traduite par plusieurs conflits géopolitiques majeurs, dont le plus notable est celui avec l'Algérie.
La Guerre des Sables (1963) : Le premier affrontement post-indépendance
Dès l'indépendance de l'Algérie en 1962, les tensions frontalières ont éclaté. Le Maroc, fort de son héritage précolonial, contestait les frontières héritées de la colonisation française, et son allié, le Parti de l'Istiqlal, a publié une carte du "Grand Maroc" revendiquant de vastes territoires. Bien que le roi Mohammed V se soit abstenu de négocier le tracé frontalier avec la France pendant la guerre d'Algérie en signe de solidarité avec le FLN
En octobre 1963, le conflit a éclaté dans la région de Tindouf. La guerre des Sables n'était pas seulement un conflit territorial, c'était une confrontation idéologique. Le nouveau régime algérien, appuyé par l'Égypte de Nasser qui a même envoyé des troupes de son armée (y compris le futur président Hosni Moubarak)
La question du Sahara occidental : un héritage de la Guerre froide
Le conflit sur le Sahara occidental est rapidement devenu l'enjeu principal de la rivalité entre l'Algérie et le Maroc. La question est perçue par certains comme un "reliquat de la Guerre froide".
La rivalité a pris d'autres formes. Rabat a profité du déclin de l'influence algérienne au Sahel pour proposer de nouvelles routes commerciales, tandis qu'Alger a tenté de créer un bloc nord-africain qui exclurait le Maroc.
Une rivalité qui transcende les époques
L'histoire des relations du Maroc avec ses voisins africains et arabes post-indépendance est inséparable de son choix de préserver et de moderniser sa monarchie. Ce modèle politique, unique et stable, a fait de lui une anomalie dans un continent dominé par les républiques à parti unique, les régimes socialistes et les dictatures militaires. L'affrontement idéologique avec des pays comme l'Algérie, l'Égypte et la Libye s'est traduit par des conflits géopolitiques concrets, en particulier sur les frontières et le contrôle des régions stratégiques comme le Sahara occidental.
La rivalité entre le Maroc et les États socialistes du continent est la preuve que la décolonisation n'a pas seulement été une lutte contre la domination coloniale, mais aussi un combat interne pour définir la nature des nouveaux États. La monarchie marocaine a su naviguer dans ce paysage complexe, en s'appuyant sur sa légitimité historique et en s'alignant sur des alliés internationaux qui ont soutenu sa voie. Son histoire est ainsi un exemple fascinant de la manière dont l'identité et le système politique d'une nation peuvent être une source de stabilité interne et de rivalité externe durable.





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